samedi 26 novembre 2016

Comment je suis devenue abolitioniste.



Je suis une femme née dans les années 80 et donc de la génération post révolution sexuelle. j'ai grandi dans l'idée que je pouvais disposer de mon corps et que j'aurais accès à la contraception et à l'avortement si j'en faisais le choix. J'ai aussi grandi dans cette idée que le grand méchant loup de la domination c'était la religion (catholique dans mon cas d'éducation) qui à cause de sa morale ne voulait pas me laisser avoir autant d'orgasmes que je le souhaitais.
Résultat, j'ai toujours été très proche de mon corps et de mon désir. J'ai cherché à l'explorer, parfois de manière maladroite, mais surtout sans tabou et avec le maximum de désir, pas seulement du consentement (on en reparlera de cette différence!) j'ai eu beaucoup d'expériences, à deux ou à plus, et avec des personnes de sexes différents. J'ai donc grandi et ouvert ma sexualité dans l'idée que personne ne pouvait m'en empêcher et que personne ne devait restreindre la sexualité des femmes.

Je consomme donc je suis. 

Mais nous vivons dans un monde où il faut montrer qu'on est libre et prouver notre liberté aux autres. Internet en est la preuve existante. Ces preuves passent par la consommation et mon désir était complètement emprunt des cette notion. Je n'attendais pas que le fantasme grandisse et s'épanouisse, je l'assouvissait parfois avant même qu'il ne se soit exprimé dans mon corps, pour pourvoir dire que "je l'ai fait". Je prenais du plaisir, la plupart du temps seulement. Et j'avais en tête l'idée que quand je n'avais pas eu de partenaire une semaine ou deux de suite, je perdais ma jeunesse et je passais à coté de quelque chose. Mon désir ne constituait plus uniquement ce que je voulais mais aussi ce qu'on attendait de moi, en tant que "femme libérée". Posez vous un instant et demandez vous comment "femme libérée" se définie d'après vous, d'après les médias et les personnes qui vous entoure.
Le problème c'est que lorsqu'on est dans le registre de la consommation, celui de l'argent est intimement lié. Mêler l'idée d'érotisme et de consommation, comme le fait la société libérale, lie le tout avec l'argent. A cette époque je voyais l'abolition de la prostitution comme un système moralisateur qui venait empêcher des femmes de faire ce qu'elles voulaient de leur corps. Et comme dans ma tête érotisme et consommation allaient ensemble, critiquer la consommation signifiait critiquer l'érotisme. Ainsi me dire que cet vision de l'érotisme pouvait être une violence me faisait sortir de mes gonds. J'évaluais la société de façon binaire : soit on est dans le consumérisme soit on est dans la morale. J'étais contre tous les discours qui critiquaient la prostitution et donc le droit d'une femme (ou comme je le croyais) à gagner de l'argent comme cela. j'étais dans l'idée que légaliser la prostitution et la réglementer était la solution. 

Le Monde n'est pas Binaire. 


Puis j'ai compris entre temps que le féminisme c'était beaucoup une histoire de déconstruction d'une structure qui t'a appris à penser, à réfléchir et aussi à croire d'une certaine façon. Et que déconstruire, ce n'est pas seulement s'opposer à un mouvement oppressif (ici la religion et sa morale anti-choix) mais en repérant grâce aux statistiques et aux témoignages les zones où il y a des rapports de genre inégalitaires et en essayant de remonter aux origines sociales de ces disparités.

Alors quand ma directrice de recherche m'a répondu, un jour que je défendais une énième fois le droit des femmes à "se prostituer": "Oui mais dans les faits 85% des prostituées sont des femmes et 99% des clients sont des hommes, il y a donc un rapport de genre inégalitaire." Je suis restée muette. je n'avais pas voulu le voir et d'ailleurs à ce moment précis je ne voulais pas le voir. Mais ça m'intriguait, ça a été le déclic, il fallait que je déconstruise.

S'en est suivi 3 mois de lectures d'articles, d'études et de livres pour ou contre la question pour commencer à changer mon avis.
Il faut dire que ça n'a pas été simple et que je me suis battue contre énormément d'idées reçues, de mensonges voués à me faire peur, et à détester littéralement les personnes luttant pour l'abolition du système prostitueur. Sur internet, le mouvement libéral attaque violemment les abolitionistes, les insultant, dénigrant leur parole et ne leur offrant aucune tribune pour débattre comme si elle étaient le FN du féminisme. 

J'ai compris que nous vivions dans un système très binaire, qui aime opposer les idées : pour ou contre l'avortement, le mariage pour tous, l'euthanasie etc... Les choses ne sont pas du tout si simple. Dans le cas du débat pour la prostitution, on a l'impression que s'oppose uniquement le consumérisme libéral et la morale religieuse oppressive. Les abolitionistes en critiquant le système de consommation libéral sont automatiquement rattachée à la morale pudibonde religieuse oppressive. On les accuse alors de ne pas respecter la parole des personnes prostituées, de ne pas aimer le sexe et l'érotisme, de toujours le voir comme un viol, ou encore de vouloir contrôler le corps des femmes, et des hommes. 
Mais je me suis bien rendue compte qu'en réalité les abolitionnistes sont les seules à écouter vraiment les personnes en situation de prostitution. 
Premièrement elles ont énormément de témoignages, qu'elles relayent constamment sur leurs médias, et ce, contrairement à ce que j'ai souvent entendu dire de la part du STRASS. 
Deuxièmement elles travaillent directement avec ces personnes, leurs offrant simplement un endroit où discuter, un accompagnement pour des démarches et surtout une porte de sortie si (et seulement si!) les personnes prostituées le souhaitent. Elles reconnaissent la parole des personnes en situation de prostitutions, car elles entendent que des violences existent. Suivant les études (et les définitions du coup), 46 à 70% des personnes en situation ou ayant été en situation de prostitution présentent les symptômes de syndrome post traumatique telles que la dissociation. De la même façon, l'Amicale du Nid explique qu'une personne en situation de prostitution a 60 à 120 fois plus de risques de mourir de mort violente et que des meurtre de prostituées par des clients ou des proxénètes arrivent tous les jours, en France. On recense 71% des personnes prostituées qui disent avoir subis des violences physiques avec dommages corporels, c'est sept fois plus que la population générale des femmes, sachant que l'on sait que les femmes ont du mal à exprimer qu'elles ont été victimes de violences, que le 10% concernant la population générale n'est pas représentatif et que beaucoup sont dans le déni des violences ou préfèrent se taire. Ici elles sont plus de 70% à oser le dire. C'est très important de reconnaitre que la situation de prostitution est intrinsèquement liée aux violences, même dans les cas où elles parlent de choix, elles subissent ou risquent de subir ces violences de la part des clients. 

Parlons de ce "choix" justement. Premièrement les chiffres sont très clairs : les études gouvernementales recensent que 90% des personnes en situation de prostitution en France sont d'origine étrangère donc contrainte par des circonstances (diplôme pas reconnu, ne parlent pas la langue, n'ont pas d'accès à un moyen de rémunération excepté la prostitution) ou montre l'emprise croissante des réseaux. A coté de cela, nombreuses sont celles qui ont été contraintes par la drogue, ou par un conjoint ou un camarade de classe. Une étude sur 9 pays recensait que 89% d'entre elles souhaitaient sortir de la prostitution immédiatement si elles le pouvaient. Sachant que la démographie de Toronto n'a pas énormément d'immigration comme en France, et donc moins de réseaux de prostitution qui jouent sur les flux migratoires (les réseaux sont tout autres làbas, et touchent énormément les femmes autochtones). De ce fait elles n'ont pas le "choix".
Ajoutons à cela le simple fait que l'on vit dans une société structurée, qui se reproduit à travers des institutions qui façonnent notre façon de voir les choses. Comme les sociologues se tuent à nous le dire depuis des décénnies le choix est construit et non libre, sinon pourquoi voulons nous tous avoir la même chose? Pourquoi avons nous tous la même vision de la réussite? de la famille? etc... Pour les anglophones cette petite bande dessinée est très claire pour représenter le choix. Donc le choix quand il existe (si il existe) est très restreint et certainement pas libre d'emprise. 
Oui je sais ça fait mal de savoir ça. 

Résultats de l'équation, les violences sont intrinsèques et le choix est contraint. Que faire lorsqu'on a un système d'exploitation et de violence? L'abolir! 

Pour cela il faut comprendre ce système. Dans le cas de la prostitution, c'est la demande qui créée l'offre. c'est le fait que des hommes soient prêt à payer, parfois de très grosses sommes d'argent, pour avoir accès à une femme, pour posséder une femme à un moment donné. A partir de là l'offre s'organise là ou d'autres hommes, les proxénètes, y voient un occasion de se faire de l'argent. Soient ils montent des réseaux, c'est d'ailleurs l'idée reçue la plus répandue. Soit ils poussent leur petite copine à vendre son corps, et joue de l'emprise qu'ils ont sur elles, une réalité moins connue mais terriblement répandue.  
petite parenthèse: et oui il y a des mécanismes d'emprise! comme avec les femmes victimes de violences, qui restent auprès de leurs conjoint violent par... emprise! la prostitution c'est pareil.

Certains et certaines osent dire que c'est un moindre mal et qu'il faut légaliser.... Or la légalisation de la prostitution dans un pays comme l'Allemagne (démographie similaire à la France) a multiplié par 10 le nombre de personnes en situation de prostitution (700 000 à ce jour), n'a pas fait baisser les violences. Ce système entraine également que les jeunes hommes qui veulent avoir accès à de l'argent facilement, préfèrent vendre des femmes plutôt que de la drogue, et les prostituées Allemandes n'ont été qu'une centaine à se déclarer quand l'état le leur a offert... Donc pour attaquer la prostitution, la seule solution efficace c'est d'attaquer la demande et donc le client.

De plus lorsque l'on sait que 90%, souhaiteraient sortir immédiatement de la prostitution, pouvons nous imaginer mettre en place une loi qui favoriserait les 10% restant? C'est à dire mettre en place une loi pour les 10% les plus riches en somme

Vient donc la question très répandue : est ce que pénaliser le client ne précariserait pas les prostituées?
Premièrement dire que pénaliser le client, comme dans la loi du 13 Avril, c'est précariser les personnes prostituées, c'est déjà oublier de dire que avant cette loi les femmes dans cette situation pouvaient être arrêtées pour racolage, et donc ne portaient pas plainte en cas de violences de peur d'être arrêtées, car elle pensaient elles, être dans l'illégalité. La pénalisation renverse ce rapport de force. Les femmes en situation de prostitution peuvent porter plainte et dénoncer un client, elles ne sont plus celles qui sont dans le collimateur de la police, et la police, toujours d'après cette loi, doit les protéger (la violences contre les personnes en situations de prostitution est reconnue comme une circonstance aggravante). La loi automatise également le fait que les personnes d'origines étrangères se voient attribuer des papiers si elles portent plaintes.
De dire qu'il faut légaliser pour le moindre mal, et que pénaliser le client serait une violences de plus, c'est faire du chantage sur le dos de ces femmes qui souffrent de violences, d'emprise et risques leurs vies. C'est ne pas protéger celles qui pourraient tomber dans ces système. C'est dire qu'il ne faut pas changer les choses sous peine de représailles de la part des clients et des proxénètes, finalement.

De plus la loi offre une porte de sortie, des aménagements pour qu'elles puissent enfin échapper aux violences et à l'emprise des proxénète. Le problème actuellement est que, même si les associations ont toutes les stratégies en main, les élus ne font rien. Sur les 20 millions d'euros par ans promis pour mettre en place un accompagnement des personnes souhaitant sortir de la prostitution, seulement 6 millions à été accordé. 6 millions pour la France entière, on parle de 20 000 à 40 000 personnes dans cette situation, on parle d'accompagnement, de relogement, de stage pour reprendre confiance, retrouver un emploi, de sensibilisation auprès des acteurs et agents dans les communes (la police, les hôpitaux, les agents de la ville etc...) et des jeunes, on parle d'aide psychologique, de frais de justice, etc... Même 20 millions c'est peu pour tout ça. De plus, lorsque les associations vont vers les élus, ceux ci répondent que la prostitution n'existe pas chez eux! Comme si ils étaient les seuls irréductibles gaulois qui avaient échappé à la traite? Il est très compliqué pour les associations seules d'arriver à les convaincre même si par exemple le travail fait dans le 93 est un exemple de réussite. 

C'est le système politique actuel qui enraye la moindre politique sociale et donc qui précarise. 

La prostitution est un système de violences. Ce postulat ne vient en rien abimer le droit des femmes à faire ce qu'elles souhaitent de leur corps, à profiter de l'érotisme et de leurs désirs comme elles le souhaitent. La sexualité, et la liberté de la sexualité, c'est de faire ce que l'on désir sans contrainte, qu'elle soit par rapport à un amoureux qui contraint, ou à la société qui te dit que c'est comme ça qu'il faut faire (hétéronormativité) ou encore que c'est bien d'en faire beaucoup et de consommer, ou encore de ne surtout rien faire du tout, ou encore à cause de contraintes financières. 

Ne pas reconnaitre la parole de celles qui dénoncent les violences qu'elles ont subie, ne pas reconnaitre les chiffres, c'est une fois de plus vouloir faire taire la parole des femmes. C'est comme de dire que les femmes mentent quand elles disent avoir été violées, ou frappées, ou harcelées. C'est exactement la même chose, il ne faut pas invisibiliser ces violences, et il faut les comprendre. De ce fait mon conseille serait de se méfier de ceux qui font taire celles qui dénoncent ces violences et la traite d'êtres humain.e.s. toutes personnes qui disent qu'elles mentent. Et finalement, pensez aussi à déconstruire les intérêts, qui a le profit, qui gagne de l'argent, et de voir qui n'en a aucun à se battre pour une cause. les abolitionnistes ne gagnent rien, juste à se faire insulter. 

Voilà je pense que j'ai fait le tour de la question.
Aujourd'hui je prône plus que jamais l'adage MON CORPS MON CHOIX, il est inhérent à la personne que je suis, il est gravé dans ma peau. Mais mon choix, je suis obligée de travailler à le récupérer, à apprendre à faire la différence entre quand je désir réellement quelque chose, ou quand je pense que c'est ce qu'on attend de moi. Aujourd'hui j'espère m'être détachée de la notion de consumérisme et de profiter de ma sexualité comme je l'entends c'est à dire sans contraintes sociales, sans obligation de performances, juste comme j'en ai envie, quand et si j'en ai envie.
Et plus que tout, je me bat pour que cette société n'utilise pas le mot de choix dans un discours libéral qui est uniquement là pour la consommation et qui se sert des discriminations et des violences pour jouir des fruits de cette consommation.


ps: Lien vers une compilation des études faites sous ce prisme.






jeudi 24 novembre 2016

Le Mot Exact Est Féminicides





Hier a eu lieu le 101e féminicide depuis le début de l'année. C'est à dire que depuis le 1er janvier 2016, 101 femmes ont été tuées par leur conjoint, mari, compagnon ou ex etc... Les associations féministes sont nombreuses à référencer les féminicides (comme ici ou ici) et vous pouvez suivre cette longue liste macabre s'allonger de jours en jours. Ces associations et militantes demandent à ce que le meurtre d'une femme parce qu'elle est femme soit reconnu par la loi en tant que circonstance aggravante et crime de haine de la même façon que les crimes racistes ou antisémites ou homophobes le sont.

Tuer une femmes parce qu'elle est femme qu'est ce que ça signifie vraiment ? Je ne reviendrais (presque) pas sur le fait que nous sommes dans une société patriarcale, fondée sur une hiérarchie pyramidale de privilèges et de désavantages, hiérarchie structurée et intégrée par tous grâce à des institutions telles que la famille, l'école ou les médias. 
Les femmes dans cette hiérarchie ont toujours le désavantage par rapport à l'homme et l'origine de ce désavantage est le fait que l'homme a considéré et continue de considérer la femme comme une possession et non comme une égale. La femme permet ainsi traditionnelement à l'homme d'avoir une descendance, d'éduquer sa descendance, et de s'occuper de lui par la même occasion pendant qu'il vaque à ses occupations. Je ne m'étendrais pas plus sur les origines, la littérature sur le sujet est moulte et l'internet en regorge. Tout ce qu'il faut retenir c'est la notion de possession réaffirmée par une infinité de petits mécanismes et d'idées reçues

Le féminicide vient du fait qu'ils s'approprient nos corps. 


De ce principe d'appartenance découle le principe de violence. Quelque chose que l'on possède qui est à nous, nous pouvons en disposer comme bon nous semble. Et c'est de là que TOUT découle: Les viols (principe d'appartenance ou punitif), les violences (pour rétablir son autorité), le harcèlement de rue (je dispose du corps des femmes je peux en dire ce que je veux), l'interdiction de l'IVG et de la contraception (si la femme prend le contrôle de son corps je n'ai plus mon mot à dire) etc...
Même notre notion du couple et notre sexualité en est complètement emprunte. La sociologue Chahla Chafiq-Beski explique à travers sa recherche qu'aujourd'hui le système a fait converger deux principes, l'érotisme soit le plaisir sexuel partagé et la possession qui passe par le consumérisme. La possession engendre des violences. Ainsi le système prostitueur est un exemple de ces violences, car les clients achètent de droit de possession sur une femme, payent pour pouvoir faire tout ce dont ils ont envie, même les violences. De la même façon la pornographie, qui a complètement voulu faire passé ce consumérisme (et donc possession) sexuel pour de l'érotisme et du plaisir, reproduit le schéma des violences et les enseignent à ceux qui le consomme.


Un Féminicide médiatisé tous les trois jours, en réalité il y en a tellement plus: non médiatisé, camouflé par des disparitions, ou qui n'ont pas été pris en compte par la définition globale. 


Aujourd'hui le terme de Féminicide ne peut comptabilisé que les meurtres de femmes qui sont médiatisés, nombreuses sont les oubliés de ce gynocyde, parce qu'il est difficile d'avoir l'information ou parce que cela n'est pas encore considéré comme tel. C'est pourquoi j'insistais sur la prostitution : Une personne en situation de prostitution a 60 à 120 fois plus de risques de mourir d'une mort violente qu'une personne qui ne l'est pas. Cela fait que tous les jours des femmes en situation de prostitution sont tuées par leurs proxénètes et leurs clients.
Et ce sont des féminicides.
La notion punitive et d'appartenance est bien là, ces femmes sont tuées, pour être femmes, au même titre que les 101 femmes tuées depuis Janvier.

Les autres cas de féminicide dont on ne parle pas sont ceux des suicides engendrés par des harcèlements. Récemment les médias nous ont parlé de ces mères d'enfants handicapés ou autistes, acculées par les services sociaux et menacées qu'on leurs enlève leurs enfants et ainsi qui mettent fin à leurs jours. C'est le fait d'être femme, d'être mère, et de ne pas avoir le choix pour son enfant qui les tue.
Toujours dans le même registre, ces adolescentes, ou ces femmes, qui après mintes harcèlements sexuels, dans la réalité ou sur internet, et parfois (trop souvent) des violences sexuelles, qui se donnent la mort. Une femme qui mets fin à ces jours car elle ne supporte plus le poids des violences qu'elle a subie est aussi un féminicide.



la violence masculine est la première cause de mortalité pour les femmes de 16 à 44 ans dans le monde. En France on mesure à peine le chiffre grossissant du nombre de tuées.
Il faut absolument nommer le féminicide, ces crimes ne sont ni des « faits divers » ni des « drames familiaux » et encore moins des « crimes passionnels ». En ne nommant pas clairement meurtriers et victimes, les médias banalisent ces violences.
Il faut également que le féminicide ait son inscription dans le code pénal français, comme c’est déjà le cas en Italie, Espagne et 7 pays d’Amérique Latine.

Il ne faut plus qu'ils nous tuent.











Photo : Insomnia

mardi 30 août 2016

OUI le maquillage est un outil d'oppression, il n'est pas le seul, preuve en mots.


Ce week end Alicia Keys a participé aux MTV Video Music Awards et s'est mangée dans la figure une belle tranche de patriarcat. 

Si vous ne le saviez pas, la talentueuse chanteuse a décidé récemment de ne plus porter de maquillage pour apprendre à s'aimer comme elle est et, surtout, pour lui permettre de s'extirper de ce qu'elle ressentait comme une oppression, à savoir d'être constamment maquillée. Elle s'explique ainsi:  

"A chaque fois que je quittais la maison sans être maquillée, je m'inquiétais : Et si quelqu'un me demandait une photo ? Et s'il la postait ?" Ces pensées témoignaient de mon insécurité, de ma superficialité mais elles étaient profondément honnêtes." 
"Tout ceci, d'une manière ou d'une autre, se basait beaucoup trop sur ce que les gens pouvaient penser de moi." (1)

Donc après les VMAs (où elle ne portait pas de maquillage) de nombreux twittos et autres réseauteurs y sont allés de leur petit commentaire, affirmant soit qu'elle ne pouvait pas ne pas avoir mis de maquillage, soit qu'elle aurait dû en mettre parce qu'elle ne ressemble à rien... (2)
Alors tout d'abord, noues ne les remercierons pas de leur avis.
Mais noues utiliserons quand même cet exemple concret pour illustrer la triste réalité: 

OUI les femmes subissent des pressions qui leurs demandent de porter du maquillage.
En fait, ça va même plus loin : ces pressions sont multiples et s'inscrivent dans un continuum de règles qui établissent la norme sociale. Lorsqu'une femme ne fait pas ce qu'on attend d'elle, et ainsi sort de cette norme, la répression est automatique et on la forcera à re-intégrer les rangs qu'elle a quittés. Selon les sociétés et les cultures, les normes pour rentrer dans ces rangs sont différentes. En Occident, par exemple, il est attendu des femmes d'être "libérées" dans leur façon d'être, sans être trop sexuellement actives non plus. Elles se doivent de s'habiller de façon plutôt "féminine" (dans le sens du féminin attendu et défini par la société), de porter un bikini par exemple, ou encore de mettre du maquillage, de s'épiler... Mais cette norme, c'est aussi d'être douce, ne pas être autoritaire, ne pas être "castratrice" ou encore ne pas être lesbienne, etc... La norme est donc ainsi par cette répression, un outil d'oppression. Cette répression peut aller du simple harcèlement, aux violences physiques et ce en passant par les menaces.
Les exemples de ce genre de répression sont HYPER répandus dans les médias. Parmi les exemples les plus récents de répression dans les fictions, nous avons ceux présents dans la série Game Of Thrones où le viol est une violence omniprésente utilisée dans un but répressif. Tous les personnages féminins ne sont pas violés, mais la menace plane constamment au-dessus de leur tête. On remarque très vite que les personnages féminins qui subissent cette violence sont celles qui ne rentrent pas dans les clous. Les exemples sont nombreux : 
  • Cersei, l’incestueuse qui se veut aussi politicienne et manipulatrice, est violée par Jaime. 
  • Brienne de Tarth qui veut être reconnue comme chevalier, est menacée de viol dans un épisode appelé « Walk of Punishment » (la marche punitive), et est sauvée in extremis par Jaime Lannister. 
  • Meera Reed qui joue le rôle de garde du corps de son frère, un rôle qui échappe au cliché du féminin traditionnel, est menacée de viol par Karl quand elle ne se soumet pas à lui. 
  • De la même façon, lorsque Ramsay Bolton viole Sansa, elle est en réalité à un moment de sa construction où elle n’est plus la jeune femme craintive des premières saisons, mais où elle commence à montrer sa force. 
  • Et quand bien même Arya n’est pas ouvertement menacée de viol, elle est quand même une jeune fille qui défie la définition traditionnelle de la féminité, et son choix de se déguiser en garçon à partir de la saison deux est significatif. 
  • Liste à compléter. 

Un autre exemple du cinéma qui, lui, dénonce très bien cette utilisation sociétale du viol est Boys Don't Cry (1999) de Kimberly Peirce. Ce film parle d’un jeune homme qui quitte sa ville pour construire sa vie après que son ex-petite-amie se soit rendue compte qu’il est transsexuel. Brandon Teena, joué par Hillary Swank, est violée par deux hommes vers la fin du film. Ce viol montre et dénonce complètement le caractère de répression que ces hommes veulent infliger à Brandon, car ils veulent le « remettre » à sa place de femme. Ainsi, pour reprendre l’analyse de Laura Mulvey (annaliste et théoricienne spécialiste du cinéma)


“The image of the woman is fundamentally ambiguous in that it combines attraction and seduction with an evocation of castration anxiety.” 

« L’image de la femme est fondamentalement ambiguë en ce qu’elle combine l’attirance de l’homme et la séduction avec l’évocation de l’angoisse de la castration. »
(And the Mirror Cracked : Feminist Cinema and Film Theory, A Smelik)


Pour apaiser cette angoisse, le cinéma et les cinéastes ont rendu la femme coupable, et Mulvey prend en exemple des films d’Alfred Hitchcock. La femme est alors soit punie, soit sauvée ou remise dans le droit chemin. Il est intéressant de voir comment, même si la représentation des personnages féminins a bien changée depuis Hitchcock, ce concept de punition apparaît toujours en 2016. Les femmes qui ne se conforment pas à leur rôle traditionnel sont de plus en plus représentées, mais la menace de la répression reste toujours présente pour demeurer dans cette structure narrative centrée sur le regard masculin.

Et cette répression, représentée et utilisée par les médias, se reproduit dans la société. Je vous donne l'exemple du maquillage où la chanteuse émancipée se fait harcelée pour son choix. Fin juillet 2016, l'autrice féministe Jessica Valenti quittait Twitter à cause des menaces de viol proférées à l'encontre de sa fille (de 5 ans...) (3) en réaction à ses propos et ses articles pro-égalité. Pareil, il n'est plus necessaire de citer la blogueuse et analyste féministe Anita Sarkeesian, victime de nombreuses menace de mort après avoir analysée la représentation des femmes dans les jeux vidéos... (4)

Ces répressions, d'après Laura Mulvey et de nombreux auteurs et autrices, sont le fruit d'angoisses. Oui, une femme qui ne se conforme pas à la norme devient le fruit d'angoisses pour les hommes, puisqu'une femme qui ne suit plus les règles redéfinit la féminité sociale et vient ainsi redéfinir la masculinité qui se construit en miroir à la féminité. L'homme non seulement semble ne plus avoir le contrôle sur la femme qui s'émancipe des règles qui ont fait d'elle uniquement un objet de désir, mais vient aussi dire que les règles qui régissent masculin et féminin sont floues. De cette incertitude naît la peur de se faire voler sa place d'homme (voir article qu'il faut que j'écrive sur le masculin et sa définition). Cette angoisse est aussi présente chez les femmes qui, elles, n'ont pas réussi à se détacher de cette norme, à la déconstruire, et cette libération leur renvoie, de manière plus ou moins consciente, à leur propre enfermement. 

Cela ne signifie pas que celles qui respectent ces règles sont à montrer du doigt, bien au contraire. Les stigmatiser leur ferait porter la double peine. Cela signifie plutôt qu'il est nécessaire de respecter et soutenir celles qui décident de ne pas le faire, car c'est loin d'être facile de déconstruire cette oppression sur soie pour ensuite subir cette répression. 

Il est important aussi de savoir reconnaitre l'équivalent de ces "règles" venant de cultures différentes, et de les accepter, de ne pas les stigmatiser, si possible d'en comprendre toute la complexité et ce que signifie pour les femmes de les suivre ou de ne pas le faire. Dans une France qui est venue interdire aux femmes l'accès à un espace public à cause d'une tenue (le burkini pour celles et ceux qui vivent dans une grotte). Cet exemple est extrêmement révélateur des oppressions que subissent les femmes en Occident et de leurs intersections avec le racisme présent en France. Tout comme la loi de 2004 qui, de manière détournée, restreint l'accès à l'éducation d'une certaine frange de la population (gros spoiler: des femmes racisées musulmanes), le burkini et le voile deviennent alors des instruments pour garder sous contrôle cette population et lui apprendre à se sentir illégitime dans l'espace public en France. Illégitimité que ces femmes vont porter et peut-être transmettre à leurs enfants par le biais de la socialisation. C'est ainsi qu'on garde sous contrôle des populations entières de personnes immigrées et qu'elles n'ont plus le courage de manifester leur mécontentement devant l'absurdité de certaines lois, comme celle de 2004 (Christine Delphy dans Je ne suis pas féministe mais, de Florence Tissot et Sylvie Tissot, 2015). 

Et ainsi je conclurais sur le fait que cette répression et cette oppression faites à travers la norme est en réalité un mécanisme qui crée un sentiment d'illégitimité chez les femmes. Pour elles, pour valoir quelque chose dans la société, il faut être irréprochables, soit suivre ces règles à la lettre. Dans mes précédents articles j'expliquais comment utiliser des outils patriarcaux étaient parfois nécessaire et permettait aux femmes de s'émanciper d'une condition pire, ou par exemple de s'élever socialement. Mais c'est donc pour elles, une oppression et une source d'illégitimité, si ne pas se conformer pas à ces règles strictes empêchent une émancipation et une ascension sociale. Il est donc, à mon sens, plus que nécessaire de pouvoir dénoncer ces outils d'oppression, et détruire cette fameuse répression qui lui est attachée et qui restent des marqueurs de cette oppression, donc être bienveillante envers celles qui décident de braver l'interdit et envers celles qui ont besoin de se conformer.